de Forothangail » Ven 28 Juin 2013 23:03
Aaaah, ça c'est LE sujet qui me branche.
Si on me demandait "est-ce que ça arriverait en France?" ma réponse serait NON, mais alors de façon péremptoire et définitive. Avant tout parce que ce n'est pas notre culture. Notre culture, notre société nous conditionne depuis les débuts de la centralité du pouvoir (grosso modo...Rome et les premiers rois) à nous la fermer et à faire confiance à l'Etat. C'est à la fois très bien (gage de stabilité), et à la fois terriblement frustrant (reproduction interne des élites, élitisme de strates -pour ne pas dire castes- etc). Concrètement, on préfèrera alors critiquer la police tout en regardant de l'autre côté, parce que c'est le plan, ce n'est pas notre rôle. Et grosso modo, quand on parle de "vigilantes", puisque c'est le terme usuel pour justicier/milicien (bref un civil rendant justice hors les cadres de la loi), ben c'est rigolo, moqueur, vaguement méprisant.
L'état d'esprit est je crois tout autre outre-Atlantique, parce que c'est une nation jeune encore très marquée par le mythe de la Frontière, de la découverte, de l'entreprise personnelle: on veut, on prend. Je ne dis pas que la société étatsunienne n'a pas évoluée depuis Rockfeller, ce serait clichetonnesque, mais il demeure un esprit combatif, patriote, qui n'existe pas/plus chez nous. Et puis dans certains Etats la loi permet la constitution de milices/chasseurs de primes qui servent de sous-traitants à la police. Si les comics sont nés aux Etats-Unis et peinent à être exportés, c'est qu'il y a un terreau culturel/sociétal.
Bien, ça, c'est fait.
Chaque fois qu'une personne veut faire justice elle-même, elle est montrée du doigt par la loi. Parce que la loi protège les droits individuels des victimes comme des suspects (si je vous disais pourquoi les policiers doivent dire "vous pouvez garder le silence..." aux USA, vous me croiriez pas). De fait, MÊME dans la crise sociétale que nous traversons (et c'est un Biterrois qui vous dit ça!), MÊME si énormément de gens se disent au moins une fois par jour "rah, qu'est-ce que j'aimerais régler ça là, maintenant", personne ne passera à l'acte. Trop dangereux. Et puis la taule quand on est envoyé pour "coups et blessures" au milieu de gens qu'on a essayé de "combattre", hem.
Il y a la peur de ne pas être sûr ("est-ce que mon voisin bat vraiment sa femme ou est-ce la télé?), la peur des représailles, la peur de n'être soutenu par personne (quelle autorité permettrait cela? Au pire la couverture médiatique sera reprise par des politiques pour justifier des actions ou les subventions...), la peur de passer pour un fou (et il faut être fou pour passer physiquement à l'acte), la peur d'être accusé de disproportion de la défense (ce retraité qui avait flanqué un coup de chevrotine à deux cambrioleuses).
Dans une société où lorsqu'on appelle la police pour une agression, elle vous conseille de vous enfermer jusqu'à ce que ça se tasse et...ne vient pas (c'est du vécu), on a tendance à croire que l'initiative personnelle serait encouragée, mais en fait le carcan est trop lourd.
J'irai même plus loin: la frustration de l'inaction étatique (très souvent par manque d'effectifs) grandit et peut exploser dans un délire incohérent, et du coup donner mauvaise publicité à ceux qui voudraient tenter de devenir justicier "avec de bonnes raisons" (ce qui déjà est difficile à définir).
A propos, ya-t-il eu des cas de justiciers de comics accusés de racisme?
Au début tout est pur, tout est motivant. Ensuite les erreurs commencent, les compromis. Nous créons nos propres démons.Actualités, analyses par votre serviteur:
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