Quel plaisir ! Quel plaisir immense ! Superman fait partie de ces films qui donnent l'impression d'avoir tiré un comics, un bon comics, au hasard dans sa bibliothèque, de ceux qui ont tout compris à l'essence du personnage, ont du cœur, n'ont pas peur d'explorer des thématiques et des propos d'actualité, et ne sont pas timides dans leurs liens avec l'univers plus vaste autour. D'avoir plongé dans cet univers sans pouvoir le lâcher.
Comme sur ses Gardiens James Gunn manie les émotions à la perfection et les larmes me sont montées plus d'une fois pendant le visionnage.
Le film prend au sérieux les thématiques associées au personnage, ce symbole d'espoir et de bienveillance il en fait le cœur du film, à travers un propos politique assumé et on ne peut plus actuel (autant du côté
du conflit au Jahranpur qui rappelle évidemment ce qui se passe en ce moment sur le territoire palestinien, que sur le personnage de Luthor lui-même qui n'est pas sans rappeler Musk... quand on découvre qu'il compte transformer el Jahranpur en LuthorLand, comment ne pas penser à ces vidéos IA sur une Palestine version Trump qui avaient fait le tour des réseaux il y a quelques mois ?), pour autant il ne prend pas l'univers autour avec trop de sérieux, il s'autorise à sortir des kaiju géants et des univers de poche qui menacent d'aspirer Metropolis, des concepts qu'on croirait tout droit sortis des comics de l'âge d'argent, et qui confèrent ce ton aussi frais et réjouissant, à la limite d'un kitsch que n'auraient pas renié Sam Raimi !
À première vu le scénario peut faire penser à celui de Superman Returns (Lex et une bimbo s'infiltrent dans la forteresse de solitude pour voler les secrets de Sup, ça rappelle des choses), mais à travers cet univers déjà existant autour et son propos profondément ancré dans les racines de Superman, Gunn propulse le film vers tout autre chose.
La mise en scène de James Gunn est le plus souvent très efficace, dynamique dans l'action, bourrée de bonnes idées (le plan séquence qui suit Mr Terrific est... terrific ! ), de plans iconiques... il y a quand même quelques choix qui m'interrogent (ils avaient fait pas mal débat dans la bande annonce et ils ne rendent pas forcément mieux dans le film, ces quelques gros plans sur le visage de Sup pendant les scènes de vol sont... Pas très beaux

)
Gunn n'a clairement pas essayé d'aller sur le même terrain que les films de Snyder dans l'iconisation à outrance (bien qu'il y ait quand même des plans qui dégagent une vraie puissance dans le film, celui où
Sup s'envole lentement hors d'un nuage de poussière notamment), il a davantage chercher à travailler le coeur émotionnel du personnage. Tout en le ramenant à des dilemmes et des problématiques qui peuvent rappeler celles très intéressantes soulevées par BvS ! Donc même si très proche dans le ton de la version Donner, il ne renie pas la version Snyder non plus, il offre une magnifique synthèse des deux tout en ajoutant sa propre vision pour proposer une version unique et des plus pertinentes !
Corenswet est un excellent Superman, très à fleur de peau, ça casse quelque peu l'image très stoïque et douce qu'il peut renvoyer dans l'inconscient collectif mais ça donne à son incarnation une humanité très bienvenue, et en accord avec un monde autour qui a plus que jamais besoin de lui. Sa voix grave est absolument parfaite, son alchimie avec Lois traverse l'écran à chaque scène qu'ils partagent. Le film iconise beaucoup le personnage et le présente comme le plus puissant métahumain, mais la mise en scène s'efforce de ne pas le montrer si puissant que ça, toujours à échelle humaine (parti pris inverse du Superman divin de Cavill). Et même en sacré mauvaise posture à de multiples moments, ça renforce énormément l'empathie qu'on peut avoir vis à vis du personnage.
Lex est sans doute mon incarnation préférée du personnage à ce jour, j'étais circonspect lors de l'annonce de casting mais Hoult est habité par le rôle, visuellement c'est LE Luthor des comics, et encore une fois la parabole avec le monde réel fonctionne.
Pa Kent est, là aussi, sans doute mon incarnation préférée du personnage, extrêmement touchant malgré son temps de présence très faible (moins convaincu par Martha).
Le Justice Gang est parfait, Guy est un immense trouduc comme sa contrepartie comics (le running gag du nom fonctionne très bien

), Hawkgirl en impose à l'écran (le sound design de son cri est dingue !), et Mister Terrific est très stylé ! Pour finir sur les personnages, le maquillage de Metamorpho est remarquable, et
le caméo de Supergirl démontre... un sacré caractère ! Clark mentionne d'entrée de jeu qu'elle va se bourrer la gueule sur des planètes au soleil rouge, ce qui est exactement le point de départ du comics de Tom King qui servira de base au futur film, ça donne une bonne idée de la direction dans laquelle on va, en espérant que ça permette à ce film d'explorer en profondeur les traumatismes et la profonde tristesse du personnage après cette entrée en matière plus légère !Deux petites limites avec le film :
D'une part le personnage d'Ultraman. Je trouve dommage de ne pas avoir appuyé davantage
la réaction de Clark en découvrant son clone, d'autant que ça aurait pu renforcer une des thématiques du film (lui a pu prendre
une voie contraire à celle que ses parents lui avaient tracé, pas ce clone). Un petit acte manqué qui aurait donné encore plus de substance à un film déjà très riche
Et encore une fois j'ai mes reserves sur la musique qui joue en grande partie sur une reprise du thème de John Williams. Alors oui évidemment ça fonctionne parce que ce thème est absolument splendide, mais c'est le thème de la version Christopher Reeve. Tout comme je n'aurais pas aimé que ce film réutilise le superbe thème de Zimmer, ça aurait été bien à mon sens que ce nouveau Superman ait droit à sa propre identité musicale.
Bref c'est un film dont transparait un réel amour du personnage et des comics, sous toutes leurs facettes, les plus sérieuses, les plus émotionnelles, les plus délirantes... il est riche, généreux, dense, foutraque même, mais bon sang qu'est ce qu'il fait du bien
