Vu hier en VF et.. pendant que je rentrais, j'avais l'impression que tout était inversé autour de moi.
C'est une fois encore une histoire en plusieurs couches qui propose un nouveau concept, l'inversion, et je dois reconnaître que, même si je trouve le film très bon, je l'ai moins apprécié que
Inception,
Interstellar, ou
Prestige, ce dernier dans une moindre mesure car moins complexe, à la limite il se rapprocherait davantage de
Memento pour le sens désordonné de l'action, ce qui complique la façon de le percevoir. Parce qu'au bout du compte, c'est la sensation continuelle de ne pouvoir totalement s'immerger avec ces scènes en marche arrière, qui finissent par détacher relativement l'intérêt. Regardez un film en marche arrière, même votre préféré, et vous verrez qu'il sera beaucoup moins intéressant. Rajouté à cela la froideur générale du propos, notamment des rapports entre les personnages, combinée avec les couches du mille-feuille dévoilées à toute allure, et c'est une opération clinique que j'ai eu l'impression de traverser sans vraiment jamais me sentir englobé, ni vraiment touché dans le fond, bien que j'adore habituellement ces récits théoriques mis à l'épreuve de la pellicule.
Il n'empêche que j'ai trouvé le film tout de même très bon, que les effets sont extrêmement bluffants, les scènes d'action très réussies, la réalisation toujours juste.. sans être exceptionnelle cela étant, et la musique - au caractère faussement Zimmeresque - accompagne correctement l'ensemble grâce à des suites de sons travaillés logiquement pour l'inversion par
Ludwig Göransson (The Mandalorian).
Pour ce qui est de l'intrigue, est-elle vraiment si simple que cela ? Je n'irais pas jusque là, mais il est certain qu'en définitive, et à condition de bien suivre tout de même, ce n'est pas aussi compliqué qu'il n'y paraît. Pour autant, je suis déçu qu'il n'y ait pas eu davantage d'éléments explicatifs, quand je vois les références au
Carré Sator, et tout ce que le principe de la théorie de l'inversion du temps
(dont je ne me souviens plus de la référence citée dans le film) propose et expose, cela m'amène à constater, de la part de
Nolan, un exercice de mise en place cinématographique qui peut forcément conforter les connaisseurs, mais laisser de côté la plupart des spectateurs ne sachant pas comment interpréter ce procédé.
Alors évidemment, cela a toujours été comme ça avec
Nolan, il nous emmène dans des concepts chargés de sciences quantiques sans vraiment nous tenir par la main, pour nous entraîner dans un vortex inhabituel prompt à nous désarçonner à coups de pertes de repaires classiques. Sauf qu'ici.. il me manque les passions que j'avais embrassées dans ses précédents opus.
Donc.. pour les détails scientifiques je "repasserai", vu que je ne maîtrise pas suffisamment les rapports avec l’entropie, sujet passionnant au demeurant mais qu'il faut étudier un temps soit peu afin de percevoir l'idée sous-jacente du propos scénaristique. Et c'est là que je mets un mauvais point à
Nolan, malgré une forte introduction, je n'ai pas été très pris par la première moitié du film, et alors que la seconde m'a paru bien plus prenante, il aurait pu
(dû ?) profiter du début pour mieux décrire les liens aux phénomènes que nous allions découvrir, surtout que je n'ai pas trouvé qu'il s'y passait grand chose au demeurant. Oui, il s'agit beaucoup plus d'une expérience que d'un cours explicatif, mais c'est aussi dans l'intérêt du long-métrage de permettre aux spectateurs de mieux appréhender l'expérience.
En conclusion, Tenet n'est à mon sens pas son meilleur film, il lui manque une bonne dose d'émotion, ce qui ne m'empêchera pas de le revoir avec plaisir un bon paquet de fois, surtout que ses œuvres sont toujours multi-visionnables à souhait.
Côté spoilers...
Ce qui m'a un peu gêné dans ce principe d'inversion, c'est la façon dont fonctionne le principe physique, à savoir que les événements sont censés aller à l'envers mais, lorsque, par exemple, le protagoniste utilise la première voiture après qu'il ait lui-même été inversé, celle-ci roule en avant avec des réactions comportementales inversées. Un autre exemple, lorsque Kat se retrouve à la fin sur le bateau avec Andrei Sator, elle est inversée.. mais tout va dans le même sens. J'ai trouvé tout ça assez paradoxal.
Et au passage, je suis étonné que le protagoniste ne soit pas plus surpris et circonspect en découvrant l'inversion ("Ah ? L'inversion dites-vous ? Bon ok... C'est parti alors.. !").
Le coup de la femme qui plonge du bateau, ainsi que les deux agents masqués inversés dans le 'free port', et l'éventualité que Neil soit Max, ce que je n'ai pas réellement perçu pour être honnête, si ça avait été une histoire de voyage temporel, j'aurais franchement parié sur leurs identités respectives, mais là je ne pouvais pas croire cela si simple, et pourtant... Du coup oui, il y a un sentiment de facilité déconcertante, et pourtant je ne vois pas vraiment cela comme problématique, car le but de Nolan n'est pas ici de faire un gros twist surprenant. J'ai eu l'impression qu'il pourrait même peut-être souhaiter que le spectateur se rende compte de tout ça par lui-même. Non, le but est de le surprendre davantage par la mécanique de l'inversion, surtout avec la grande scène de fin, et non pas avec une révélation finale trop classique.