J’ai enfin pu voir dimanche ce fameux
Godzilla Minus One, ressorti en salle pour quelques jours après une premières sortie aberrante en fin d’année dernière, et quel plaisir de pouvoir le découvrir sur grand écran ! Le film est une totale réussite, et je suis d’autant plus content d’avoir découvert
Shin Godzilla la semaine dernière pour pouvoir mettre les deux en perspective, tant leur approche est radicalement différente !
Les deux films ont pour point commun de revenir à un Godzilla plus sérieux que ce qui avait caractérisé beaucoup des productions Japonaises qui lui étaient consacrées (il a connu plusieurs cycles comme ça, le film de 84 notamment présentait un retour à une proposition plus sombre après les affrontements de kaiju de plus en plus fantasques de l’ère Showa). Les deux films proposent un retour aux sources, au côté allégorique de Godzilla. Celui de Hideaki Anno représentait de manière assez frontale la catastrophe de Fukushima et l’incompétence des instances gouvernementales dans la gestion de cette crise. Et celui-ci s’aventure dans un double territoire, l’effondrement de l’économie Japonaise post-guerre à l’échelle macro, et un questionnement moral, même une remise en question de l’honneur derrière l’utilisation de kamikazes dans le conflit à l’échelle plus intime des personnages.
Mais leur différence principale est dans le ton adopté, Shin Godzilla est un thriller bureaucratique qui va à cent à l’heure en permanence, là où Minus One est un véritable drame intimiste, plus lent et presque contemplatif, mais qui sait être impressionnant quand viennent les scènes de destruction (même si de ce côté-là, j’y ai trouvé moins d’intensité et d’idées de mise en scène que dans Shin Godzilla, c’est ce qui fait pencher ma préférence vers le film de Anno en définitive)
En léger bémol (parce qu'il en faut bien), j'ai trouvé le film un peu lourd sur ses set up, retirant une bonne partie de la surprise du pay off... Il construit une partie de la tension de son climax sur la présence d’un
siège éjectable dans l’avion de Koichi (qui partait au départ pour se sacrifier), qui me paraît quand même extrêmement prévisible : on a
une réplique du Doc « ah, quel gâchis d’avoir sacrifié tant de pilotes qui n’avaient pas de sièges éjectables ! » suivi d’un plan sur le mécano qui inspecte l’avion en passant sa main sur le siège du pilote, l’air pensif, suivi d’une conversation entre le mécano et Koichi interrompue pile au moment où il s’apprête à lui donner une info décisive… assez surpris en revanche par la
survie de Noriko, un peu improbable mais qui fonctionne très bien sur un plan purement symbolique, et qui permet d’avoir
une jolie fin... ou presque .
Au-delà de ça la trajectoire de Koichi est extrêmement prenante et bien écrite, sa
gestion compliquée de ses traumas et sa culpabilité face à sa « lâcheté », son syndrome du survivant qui le pousse à chercher un but plus grand, d’abord en recueillant Akiko, puis en étant prêt à faire le sacrifice qu’il avait fui pendant la guerre, s’interdisant dans l’intervalle de chercher être heureux… du côté des personnages et de l’émotion, c’est clairement Minus One qui m’a davantage touché comparé à Shin, où le personnage principal est attachant mais loin, très loin de ce que Minus One arrive à faire de ce côté-là !
La musique est pas mal, assez lancinante et mélancolique dans toute la partie dramatique du film, et avec une très belle reprise du theme historique de Godzilla qui se déploie progressivement dans les deuxième et troisième actes !
Petit bémol, la toute première apparition de Godzilla dans le film m’a pas mal déçu… il apparaît
très vite, sans que le film ne fasse monter la sauce, ça pourquoi pas, ça crée un élément de surprise assez brutal, mais la mise en scène de ce passage manque de mystère, elle dévoile le monstre d’entrée de jeu, elle n’entretient pas du tout l’aura de Godzilla et le transforme juste en gros T-Rex (et plus le T-Rex de Jurassic World que celui de Spielberg…). Je trouve que ce passage aurait gagné à dissimuler beaucoup plus la créature, pour que la manière dont il hante les cauchemars du héro soit encore plus terrifiante, avant de le révéler plus tard, d’abord sa tête et son dos depuis le bateau, puis en entier quand il attaque Tokyo…Si Shin Godzilla me parait être une proposition trop à part, trop radicale pour réellement appeler à une suite (ou alors, une suite qui n’aurait pas grand-chose à voir avec un Godzilla classique, cf le dernier plan du film), ce Minus One pourrait tout à fait, je pense, lancer une série de suites dans la lignée des films de l’ère Showa, ou de ce qu’Hollywood a tenté avec King of the Monsters, Godzilla vs King, Monarch… et je serais totalement partant !