de Johnny B. » Ven 29 Oct 2021 18:02
Last night in Soho:
Je suis allé le voir sans réfléchir car c’est Edgar Wright et du coup, je ne savais pas tout qui jouait dedans et de quoi ça causait.
Bonne surprise y’a Diana Rigg, moins bonne y’a Taylor-Joy.
Bon, niveau mise en scène c’est splendide, comme Ada l’a dit.
Par contre, autant le tout début est ok (sauf la toute première scène apparition de Ellie qui danse comme une idiote, on est loin de la classe décalée de Baby driver, là c’est un peu gênant comme ouverture) une fois qu’Ellie arrive dans sa piaule d’étudiante et que les clichés sur pattes que sont ses camarades de classe apparaissent, je me suis retrouvé malgré moi sur la défensive car l’ambiance proposée ne me plaisait pas et qu’on enchaînait les scènes d’expos déjà vues partout (la provinciale perdue dans la grande ville et gnagnagna).
Pire, arrivent les séquences sixties où l’actrice sympathique est remplacée par une actrice que je n’aime pas du tout et qu’on se tape une demi-heure de clichés (encore! ça fait beaucoup) vus et revus du genre je suis une artiste venue de sa province, on me fait croire que c’est un joli monde et que je vais y arriver par un mentor séduisant et en fait c‘est pas ça et il est méchant et c’est glauque... qui m’a ennuyé prodigieusement pour plusieurs raisons: parce que je l'ai déjà vu mille fois, parce que les deux mondes montrés (la mode et le music-hall) m’indiffèrent au plus haut moins et parce que, pour une fois, Wright malgré ses efforts n'arrive pas à sublimer son sujet en ne le rendant pas meilleur que ce qu’il n'est. En plus, il n’est pas au top dans ses musiques. Elles sont bonnes, ce n’est pas la question, mais il ne joue que les classiques (ni surprise, ni découverte) et la séquence downtown est pénible à voir (le texte peut se lire comme adapté à la situation mais bon sang que du déjà vu et dans ce cas-là, la mise en scène est planplan). A un moment, je me suis demandé s‘il n’allait pas partir en comédie musicale, ce qui m’a fait peur (je déteste ce genre).
Bref, y’a un premier tiers du film dans lequel je ne suis pas rentré et qui m‘a bien gonflé pas parce que c’était mal fait mais parce qu'il n’y avait pas de relief, pas de choses auxquelles me raccrocher; c’est lent et cette exposition n’en finit pas sans que l’on ne sache où il veut en venir, et voir une nana perdue dans le milieu du music-hall, merci j’ai vu Showgirls entre autres et j’ai ma dose. Quant à l’espèce d'idolâtrie de Ellie pour Sandie, je ne la comprends pas non plus.
Bref, arrive enfin quelque chose (parce que jusque là rien) dans le film avec un monde plus sombre et des fantômes. J’ouvre un œil à moitié endormi et là, le film commence enfin à m’attraper et à me donner des signes de vie. Enfin !
En termes de gore, pas d’inquiétude, c’est gentillet, en termes d'ambiance parfois malsaine, y’a deux scènes où on peut ressentir une oppression (deux tentatives de fuites, une dans le cabaret, une dans la rue) mais sinon ça ne va pas bien loin, ça reste du Wright c’est-à-dire du genre version grand public. Je remarque la très bonne idée de ses fantômes avec leur visage gomméqui a une raison, ça c’est bien trouvé plutôt qu’un truc banal. Wright est un réalisateur qui pense à tous ces détails et toutes ces scènes, je m’explique encore moins la banalité du début de son film, du coup...
Et Diana Rigg dans tout ça? Elle est toujours impressionnante même en restant assise quasiment tout le film. Et elle suscite un énorme problème de continuité parce que physiquement elle n’a rien à voir avec Taylor-Joy, ni dans le physique (les deux n'ont rien en commun), ni dans les expressions, ni dans la façon de bouger, ni dans le regard ni dans la façon de parler, bref je sais bien que c’est impossible de caster Rigg jeune (puisqu’on la connaît jeune) mais au moins qu’on ait quelqu’un qui aie le regard vif et pas aussi fixe, comme ce qu’on a là, elles ne se correspondent pas une seule seconde et ça bousille un peu le twist final puisqu’il devient difficile de croire que c’est la même personne.
Bref, le film de Wright que j’aime le moins. Bon sang que son début est ultra-laborieux, il ne m’avait pas habitué à faire des expositions aussi plates. Après, si son histoire et sa structure d’histoire sont aussi banales dans son lancement, sa mise en scène vaut souvent le coup avec comme ça a été dit d’excellents jeux de miroirs, et surtout plus on avance dans le film plus ça devient intéressant et inventif.
Y’a de quoi regarder et analyser, des plans vraiment très beaux, d’autres un peu cons (dans pas mal de situations comme à peu près tout ce qui arrive au dortoir y compris la rencontre avec John où on se dit que c’est pas possible, elle le fait exprès, c’est tellement téléphoné). La preuve que même le plus inventif des metteurs en scène ne peut pas sauver un matériau de base banal.
The French dispatch:
C’est un film à sketches, ce que j’ignorais.
L’exposition est sympa comme souvent chez Anderson, il adore ça.
Le souci dans celui-ci, c’est que ce n’est quasiment que ça. Du coup, sur les trois segments majeurs du film, l’un est vraiment chouette (le premier avec Benicio) mais les autres, ça regorge de listes ou digressions sur des détails, ses plans n’avancent plus et son film non plus.
Le second sketch avec Chalamet ne raconte pas grand-chose, une vague histoire d’amour mais ne sert qu’à affirmer et dépeindre son fétichisme pour la vieille France mélangeant le café de flore et mai 68.
Quant au dernier sketch, c’est du traditionnel Anderson là aussi avec une enlèvement et une poursuite alambiquée parsemée entièrement en plans fixes et animation avec maintes digressions.
J’avais déjà trouvé qu’il se perdait un peu dans L’île aux chiens, mais là je trouve qu’il en arrive parfois à se caricaturer lui-même et qu’il va vraiment trop loin dans ses tics de réalisation et de mise en scène au point que ça devient difficile de ne pas se demander pourquoi il ne va pas au but un peu plus directement, ce qui est un comble car c’est justement jusque là ce qui était tout le sel de son cinéma: un objectif mais qui déraille avec des relations intenses entre les personnages et des plans fixes qui parsemés dans une action-narration plus linéaire ressortent (quand il n’y a que des plans fixes, ça devient fatiguant et plus rien ne ressort même s’ils sont toujours aussi magnifiquement composés, chapeau aux décorateurs et aux scriptes qui doivent chronométrer, rythmer et suivre la continuité de tout cela).
J’espère qu’il est allé au bout de son délire et qu’il va tenter quelque chose de plus vivant et moins haché la prochaine fois.
The book was better.