Kraven the Hunter : La Critique du film + VOTRE AVIS !

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Tel un enfant cruel arrachant une à une les pattes d’une araignée, Sony Pictures continue de gâcher un par un les meilleurs super-vilains de la mythologie Spider-Man… Après Symbiote-Man et Chauve-Souris-Man, voici donc Lion-Man, le sympathique chasseur du quartier. Comme ses sinistres prédécesseurs de l’Univers Spider-Man de Sony, Kraven the Hunter transforme inutilement un super-vilain en super-héros. C’est long, inintéressant et – contrairement à Madame Web – on ne peut même pas se moquer de ce qui se passe à l’écran, tant le film se prend au sérieux. Bref, heureusement que J.C. Chandor (Triple Frontière, A Most Violent Year) assure un minimum derrière la caméra lors des rares scènes d’action, car c’est la seule chose à sauver…

Ah, Kraven le Chasseur… L’ami des animaux, le défenseur de l’environnement, le Bon Samaritain en peau de bête, l’électeur fidèle d’Europe Écologie Les Verts. A-t-on déjà vu un personnage aussi sympathique à l’écran ? Après tout, comme il le dit lui-même (en VF) : « Kraven, ça rime avec fun. » Vous l’aurez compris, Kraven the Hunter fait n’importe quoi avec Sergei Kravinoff. Après Venom et Morbius, il n’y a pas de quoi être surpris… mais là, tout de même, cela paraît encore plus outrancier. On parle de Kraven le Chasseur, l’insatiable collectionneur de trophées ! Qui, dans le film, ne tire pas un seul coup de fusil et se contente de tuer des méchants, en mode Green Arrow (#YouHaveFailedThisCity). Heureusement, les abdos d’Aaron Taylor-Johnson sont très convaincants, très investis dans le rôle, avec une amplitude de jeu qui devrait leur valoir une nomination aux Oscars. Pour le reste, fier de son label ‘0 acteur russe au casting’, le long métrage multiplie les faux accents à la Red Guardian. Vivement le crossover (non).

Devant ce blockbuster cynégétique qui nous a fait perdre notre temps, autant conclure au plus vite pour ne pas gâcher le vôtre. Loin des autres épisodes du SSU qui se contentaient de tout saccager dans leur coin, Kraven the Hunter a l’outrecuidance de gaspiller quasiment quatre cartouches super-vilainiques qui auraient pu servir contre Spider-Man. C’est beaucoup. Avec la fin annoncée de cet univers, on ne peut donc qu’applaudir l’arrêt de ce massacre artistique. Il y a vingt ans, le même film avec Russell Crowe ou Clive Owen en tête d’affiche aurait peut-être été acceptable (ATJ est décidément trop jeune et trop gentil pour le rôle). Mais pas aujourd’hui, alors que nous avons affaire à une simple origin story convenue et sans lendemain (cf. l’absence de scène post-générique). Et sérieusement, comment envisager un seul instant que cette version du personnage puisse vouloir traquer Spider-Man, alors qu’il a tout pour être son allié ? Cela n’a aucun sens. Entre deux bestioles numériques désincarnées, il y avait pourtant la volonté de bien faire, avec notamment une course-poursuite à Londres et quelques ‘kills’ efficaces. Mais c’est définitivement trop peu pour justifier le déplacement.

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Kraven the Hunter est réalisé par J.C. Chandor et sort en France le 18 décembre 2024, avec Aaron Taylor-Johnson (Sergei Kravinoff/Kraven the Hunter), Ariana DeBose (Calypso Ezili), Fred Hechinger (Dmitri Smerdyakov/Chameleon), Alessandro Nivola (Aleksei Sytsevich/Rhino), Christopher Abbott (The Foreigner) et Russell Crowe (Nikolai Kravinoff).

33 COMMENTAIRES

  1. C’est trop bavard, assez mal écrit concernant la dynamique entre Kraven et Calypso. Par contre les scènes d’actions bien que trop courtes sont bien réalisées. Niveau violence, Sony n’a pas menti et les références aux personnages du lore de Spidey sont nombreuses et systématiquement bien trouvés. C’est loin d’être un bon film mais c’est pas non plus un navet. Et Kraven fait des blagues qui certe fonctionnent, mais qui ne correspondent pas trop avec l’idée que je m’etais faite du personnage.

  2. Barbara Broccoli avant Kraven:

     » Les gars, je veux Aaron pour le prochain 007″

    Barbara Broccoli après Kraven:

     » Les gars, oubliés, je pense que le type n’est plus bancable »

  3. Kraven le Chasseur: Un film moyen sorti 10 à 15 ans trop tard dans une franchise sans réel lien entre chaque film. On comprend son échec.
    J’ai pas trouvé ça aussi nul que les dernières prods MCU et DCEU mais à aucun moment ça n’enflamme vraiment non plus.
    Pour moi, seul Aaron Taylor-Johnson tire son épingle du jeu donnant des rares pics d’adrénaline pendant ses scènes d’action dans un film-encéphalogramme plat.
    Le scenario est convenu, le reste des acteurs est soit transparent soit très mauvais (Oscar du Cringe décerné à Russell Crowe, d’une tête devant l’acteur du Rhino), c’est plutôt bien filmé (surtout les scènes d’action), la musique est oubliable et concernant la fidélité aux comics… hormis l’apparence des protagonistes (je ne me souviens plus de l’Etranger en comics), c’est vraiment le néant absolu mais ça avec le SSU, on s’y attendait.
    J’ai bien aimé le personnage revisité de Kraven ceci dit et j’aurais aimé voir son évolution en méchant ou au moins le voir plus en mode série B que dans un blockbuster du pauvre (certains effets spéciaux piquent les yeux).
    Bref, un divertissement niveau Netflix, pour passer une soirée gratuite à la maison et oubliable ensuite.
    5/10

    PS: Ils sont partis le chercher où l’acteur qui fait le bras droit du Rhino? On avait dit, faut pas taper sur le physique mais là niveau tête de con, ils ont fait fort! 🤣

  4. Tiens je me demande si on va voir certains qui disaient que ça sentait bon ce film et que le SSU ça va ça passe en commentaires… 🤣🤣🤣
    Ne parlons même pas de la déliquescence du genre super héroïque… 🤔

    • Ça me choque pas qu’on puisse penser de la sorte (si on juge seulement le côté divertissant de ces films et non pas le box office). Ça s’explique par deux raisons selon moi. La première, c’est que la bande annonce de Kraven laissait penser que Sony avait appris de ses erreurs en présentant un film avec une violence graphique compatible avec le personnage. La seconde, c’est que j’ai vraiment du mal a comprendre ce que les films du SSU ont a envier du quart des films du MCU qui ont été des succès critique et commerciaux tout en étant tout aussi oubliable et inconstant.

      Et concernant la super héros fatigue; Le genre est en déliquescence. Les spectateurs qui ont fait son succès il y a 10 ans ont vieillit et ne peuvent plus se rendre au cinéma tous les 2 mois. De plus, le COVID a généré beaucoup de changements dans le consommation des films/séries et la Génération d’adolescents et de jeunes adultes d’aujourd’hui est plus attiré par les manga que les comics. Ça ne veut pas dire qu’un film Marvel ou DC ne peut plus être un succès au box office. Mais la période où on avait droit a 3 films du MCU, 3 films DC , 1 du SSU et 1 de la Fox la même année et que tous faisaient un carton est indiscutablement ter-mi-né.

      • Bah si, ça pouvait sentir bon (pour moi) s’ils en avaient fait une série B d’action ultraviolente, un peu un Tarzan version John Wick sans trop d’effets spéciaux et sans essayer de raconter une histoire somme toute chiante et banale. C’est un peu ce que j’attendais (sans trop de conviction certes).

        • @Garyus
          Bien sûr que ça pouvait (au conditionnel). Ça peut toujours… Et c’est pas une bande annonce qui nous dira quoi que ce soit sur la qualité d’un film. Elles ne sont pas faites pour cela faut-il le rappeler ? Et je pense que tu étais légitime à espérer ce que tu voulais y trouver. Là n’est pas mon sarcasme.
          Mon sarcasme il est pour ceux qui n’arrêtent pas de défendre l’indéfendable sous prétexte que c’est du marvel ou du DC ou du Sony ou plus globalement du super héros (pour les moins sectaires du site…) et qui sont prêts à tout accepter. Ça vaut aussi pour SW et tous les autres d’ailleurs.
          Je comprends qu’on puisse prendre du plaisir à regarder un truc bancal avec nos héros préférés, je le fais aussi. Mais à un moment donné il faut quand même le recul nécessaire pour avouer que c’est moyen. Il se pourrait tout à fait que je regarde ce film un jour soit pour me divertir soit pour me moquer gentiment, on verra bien.

      • @Apola
        Effectivement le SSU n’a rien à envier au MCU pour les 2/3 de sa production. Reste ce faleux 1/3 de haute volée que le SSU n’a jamais fait que tutoyer vaguement.
        La déliquescence est là pour les raisons que tu donnes et d’autres aussi, j’en ai déjà longuement parlé.

  5. Bah voilà le film peut rejoindre le club des films SH sorti 20ans trop tard avec black Adam, black Widow, fant4stic…

    J’ai pas aimé, j’ai pas envie de tirer sur l’ambulance mais bordel tout est très ringard dans le film (dialogue, iconisation, émotions…)

    Pas RIP le Sony spider universe !

      • Kraven me rappelle bcp de ces films SH fin 90 début 2000. Une vibe un peu Juge Dredd ou Ghost rider. Tout est grossier (sans doute pcq le genre SH au cinema n’etait pas ultra mature à cette époque, et que le matériaux de base n’était qu’un prétexte).
        Si Kraven ou black Adam été sortis en 2001 ils auraient probablement cartonnés, mais là ils semblent juste ringards. Le niveau d’exigence plus elevé (merci Avengers, merci Nolan, Merci Watchmen…) + une forme de SH fatigue c’est fatal pour ces films là.

        • Je n’ai aucun souvenir du box office de Ghost rider mais en tout cas je me souviens qu’il y a 20 ans c’était une purge aussi aux côtés de Elektra et autres Catwoman
          Avant de te poser la question c’est marrant j’avais écrit Ghost rider était une bouse il y a 20 ans avant de supprimer le com car je n’étais pas certain d’avoir compris ton post. Du coup je ne suis pas vraiment d’accord.
          Bien sûr Nolan ou les Russo ont élevé le niveau mais là on est vraiment très très en dessous depuis trop longtemps dans le genre super héroïque. Début 2000 on avait les raimi spiderman faut il le rappeler.
          Donc a la rigueur ça aurait pu cartonner il y 40 ans peut-être

        • Je viens de regarder la liste des films SH sorti par Décades (merci wikipedia)
          Tu as raison, « cartonner » c’est un peu fort.
          J’ai sans doute été gentil sur le nombre d’années de retard, mais globalement en volume de films sortis, je trouve que la qualité moyenne est supérieur aujourd’hui qu’il y a 20-30ans à part quelques véritable pépite des Del Toro, Burton (la spider-trilogie de Raimi me laisse de marbre)

          Globalement mon point c’est que je reste persuadé que tout le SSU en l’état aurait pu rivaliser il y a 20-30ans. Mais la c’est trop tard, non seulement les films qui sortent aujourd’hui sont plus « quali » et le publique est devenu plus exigeant.

          • Oui là dessus on va trouver un terrain d’entente sans pb. Les attentes sont globalement plus fortes au niveau du public averti. Pas forcément au niveau grand public mais comme le grand public se fie à l’avis des avertis… Du coup au début de l’après Endgame certains films ont été des réussites commerciales mais maintenant ça ne prend plus même auprès du grand public qui s’est renseigné !

            J’ai « l’avantage » d’être un vieux et d’avoir connu cette période c’est pour ça 😉 pas besoin de wiki LOL

          • 20 ans c’est trop mais 10 pour moi non. On est typiquement dans les origin story proposées par le MCU qui à part Iron Man (et Thor pour moi) ne volaient pas bien haut.

          • @Garyus
            Je n’ai pas vu le film mais apparemment on est encore en dessous des origin story du MCU dans le cas présent… On en reparle quand je l’aurai vu.

  6. C’est un mauvais film (pas désagréable en premier visionnage mais jamais je n’aurai envie de le revoir tant c’est bourré de défauts), c’est une mauvaise adaptation (ou alors une bonne de Yakari l’ami des bêtes), c’est la fin d’un univers qui n’est jamais né.

    Je maintiens que j’aime bien Morbius qui était le seul vrai anti héros de ces adaptations Sony, avec une vraie tension sur le fait de ne pas céder à sa soif et une bonne imbrication des genres SH et vampirique.

  7. Je l’ai vu hier et j’ai bien apprécié le film. OK, ça ne casse pas 3 pattes à un canard mais le personnage de Kraven est au moins pas fou et c’est pas la première fois où il est présenté comme sympa tout comme Calypso (voir le dessin-animé de Spider-Man des années 90). J’ai bien apprécié que sa relation avec son demi-frère Dmitri soit beaucoup plus positive que dans les comics. Par contre, (SPOILERS) j’ai été sous le choc quand on a mentionné Miles Warren alias Le Chacal, Super-Vilain obsédé par Gwen Stacy et qui a cloné Spider-Man, étant responsable de La Saga Du Clone (bien qu’il ne fut qu’un pion de Norman Osborn) et j’ai aussi apprécié de voir le visage du Caméléon tel qu’il est dans les comics, même si ce fut fugace. En clair, j’ai apprécié chaque film Venom ainsi que Madame Web et Morbius. Ps: Vous avez remarqué que l’acteur qui jouait le père de Kraven avait joué Jor-El dans Man of Steel ?

  8. https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Le-boss-de-Sony-defend-Madame-Web-et-Kraven-Ils-ont-ete-detruits-par-la-critique

    … c’est sûr qu’il y avait beaucoup d’exagération, avec des papiers qui sentaient plutôt la prose nombriliste, contente d’avoir de bonnes cibles à atomiser – se confondant ainsi avec n’importe quel commentateur lambda et anonyme.
    Ça n’empêche pas que, les grosses ficelles de ces films, on les voyait bien, plus encore que chez le autres studios.
    Et vu le niveau qu’avaient atteint les films super-héroïques il n’y a pas si longtemps (de même que les autres types de blockbusters), évidemment que que ça énerve que la qualité et l’intérêt aient été aussi décroissants avec les années.
    Même pour les films qui ont de bonnes idées, mais qui n’arrivent pas à être aboutis, ou à se faire comprendre.
    Et c’était pas uniquement la faute des contextes de production, souvent difficiles.

  9. — En préambule de l’analyse de « Kraven… », un regard utile sur la filmographie de J. C. Chandor.
    Réalisateur de l’abstraction, montrant des hommes (voire même le Masculin) faire naufrage violemment, tenter de limiter prudemment les risques, et survivre assez facilement… mais au prix de quels sacrifices amers ?
    Et pour faire quoi après ? – l’auteur laissera toujours ses films finir sur un suspens irrésolu.

    – « Margin Call »…
    Crise financière de 2008 :
    Une troupe d’acteurs comme au théâtre, composée majoritairement de gens habitués aux rôles secondaires depuis des années… ainsi qu’à des rôles de méchants (notamment Kevin Spacey, Paul bettany, Jeremy Irons).
    Huis clos de costards-cravates dans des bureaux vides et donc abstraits, le réalisateur a la lourde tâche de faire en sorte qu’on fasse émerger un soupçon d’empathie (tel détails sur leur vie etc) pour des individus qui vont devoir lourder des tas d’employés par ci, et escroquer des tas de clients par là, tout ça pour pouvoir faire survivre une entité sans personnalité : une entreprise.

    Plusieurs personnages fonctionnent en binômes, pas seulement pour les dialogues mais aussi en miroir de l’un et l’autre – par exemple deux d’entre peuvent se vanter des d’abord des ingénieurs… mais un seul y trouve une fierté, qu’il justifie par l’énoncé de chiffres délirants.
    Puis un autre utilisera aussi des chiffres à foison (des dates surtout) pour justifier sa démarche, avec un cynisme glaçant.
    La critique de l’hyper capitalisme ? : Un individu utile est comme condamné à creuser sa tombe, encore et encore.
    Jusqu’où ? (écoutez bien le générique de fin).

    – « All is Lost »…
    Survival au milieu d’un océan hostile (tempête, sel, soleil, et vide surtout) :
    Un Robert Redford éternel – le Nouvel Hollywood et Jeremiah Johnson, empathie directe même sans le moindre historique de personnage… Il y est tout en gestes précis, prudents, pratiques et zéro surjeu.
    Seul à l’écran, cadré au plus près, il ne commente pas ses actions et maugrée à peine…

    Huis clos d’un aventurier sur son voilier, indirectement impacté par l’hyper capitalisme (un container de chaussures d’enfants qui le percute, un porte containers automatisé qui l’ignore, des requins qui lui volent sa pitance), ses péripéties superbement filmées, et dont l’environnement de survie va se réduire peu à peu, malgré sa grande maîtrise du Système D… Jusqu’à devenir un astre au milieu d’un univers aquatique (quoi de mieux pour ça qu’un canot de sauvetage, bien rond ?).

    On est bien peu de choses, après tout. Surtout quand on est à l’automne de sa vie.
    Qu’est-ce qui fait alors qu’on puisse tenir le coup ? Les regrets, et l’envie réparer les erreurs ? (une lettre jetée à la mer).
    Ou bien c’est juste l’instinct : un individu qui fait le pari de tout sacrifier et de toucher le fond, trouvera peut-être l’impulsion nécessaire pour remonter à la surface…
    Pour un dernier tour de piste.

    – « A Most Violent Year »…
    Faux Polar new-yorkais vintage :
    Oscar Isaac en entrepreneur voulant à tout prix agrandir son entreprise de livraison de fioul domestique, au moment où la ville subit régulière des flambées de violence… qu’on ne verra pas à l’écran.
    Donc retour à ce qu’était « Margin Call », avec une violence abstraite, plus représentée par la férocité d’hommes d’affaires que par de petits tabassages sans morts. Un léger air de western, entre des camions abordés comme des diligences, et Isaac et son long manteau, lequel passe pour un « pied tendre » car il refuse de devenir ce que Tous les spectateurs attendent de voir :
    C’est à dire un « vrai mec », qui se déciderait à démastiquer tous ceux qui le harcèlent, l’arnaquent (incroyable scène de table ronde). Que ça devienne « Les Chiens de paille », surtout avec un personnage latino, sûrement pas facilement accepté, et au faux air de Al Pacino.

    Bing ! J. C. Chandor joue encore avec une imagerie cinématographique connue, pour mieux la détourner cette fois… on croyait que ça allait être la fête aux gangsters, et on en sera quitte pour deux-trois course-poursuites pas trop mal, et des passages à tabac, dont deux qui se résolvent à chaque fois par la capitulation rapide du personnage de Christopher Abbott.
    Ce Abel Morales n’est donc qu’un héros à la Frank Capra, un idéaliste, symbole d’un improbable Rêve Américain. Tandis que sa femme (Jessica Chastain, grande pote de Isaac) est une espèce de Lady Macbeth dont la famille semble si terrible qu’il ne vaut mieux pas en parler entre eux. Même dans son foyer, il n’est maître de rien.
    Abel va-t-il renoncer à ses principes ? Arrêter d’être ce que, dans une histoire criminelle, on considère comme un froussard ? Rester dans la légalité – celle qui est autorisée par la loi, même si elle peut être roublarde – est-ce encore possible quand on vise plus haut ?

    Détail supplémentaire, la photographie de Bradford Young est absolument magnifique, avec ces mélanges de brun, ocre, verts et clairs obscur… Un look et une ambiance qui font aussi immédiatement penser à du James Gray, au profit de ce dernier.
    C’est sûr que ce film, stimulant plus de façon intellectuelle que émotionnelle, aurait été plus facilement abordable en étant plus ouvertement tragique… Notamment avec le personnage de Julian, lui étant le latino « faible » qui n’arrive pas à réussir (Elyes Gabel, acteur lui-même pas à la hauteur de Oscar Isaac). Si on était chez Gray, c’est lui qui aurait joué le frère de Abel, et son destin aurait eu plus d’impact – même avec la symbolique, un peu légère, du sang et de « l’or noir ».
    Toutefois quand le frère de Abel apparaît plus tôt, on le verra en joueur de football américain. Bien intégré lui, sans problème à l’horizon.
    Tout est dit.

    – « Triple Frontière »…
    Après avoir tourné autour du pot en ce qui concerne l’action spectaculaire, la virilité et la violence, J. C. Chandor plonge pile dedans… À l’origine ça ne devait pas être pour ce film, mais pour le projet »Deepwater » – que Peter Berg a récupéré, plus enclin à célébrer les cols bleus sans équivoque, plutôt qu’à critiquer un état économique.
    Pas plus pour ce projet là d’ailleurs, que Chandor a lui-même repris de Kathryn Bigelow et Mark Boal, et qui était pourtant plus centré sur le commerce de drogue dans cette fameuse zone frontalière stratégique.
    Pas grand chose à voir avec l’économie dans le résultat final, à moins de regarder à nouveau ces personnages en biais, de façon abstraite :

    Des ex militaires, devenus des contractants ponctuels, qui n’ont plus que quelques souvenirs de leurs années en service où l’honneur et le devoir comptaient vraiment… même si après, l’État américain ne garantit pas un retour à la vie civile suffisamment lucratif. Donc c’est le bénéfice qui compte aussi, de même que l’honneur de l’américain moyen qui ne supporte plus de vivoter, surtout quand il a été entraîné pour être un quasi surhomme.
    En s’invitant de force dans un pays où ils ne sont pas les bienvenus, le pillant au passage (tout en jouant les zones d’ombres de ce que la loi autorise), ils sont des impérialistes malgré eux… ou juste des mâles alpha qui veulent prendre ce qu’ils estiment mériter.

    Petit problème ici : les acteurs.
    Avec Ben Affleck en chef d’équipe lessivé par un divorce et un travail nul, voulant jouer la prudence s’il devait reprendre du service (on comprendra que c’est à la fois un réflexe de criminel et d’addict près à replonger)… les choses sont très évidentes, reflets de la propre vie de l’acteur, et ça le rend moins sympathique que pathétique.
    Ça coince plus avec les autres comédiens, que ça soit Charlie Hunnam et Garrett Hedlund en frères pas toujours proches, ou un Pedro Pascal censé n’être pas très net… Ils ne sont pas toujours justes, et Chandor n’a évidemment pas suffisamment construit leurs motivations profondes. Cette fois, la soustraction de caractérisations se retourne contre le film – un écueil que Michael Bay avait réussi à éviter dans son « 13 Hours », peut-être parce que ses hommes n’y formaient qu’une seule entité, et qu’ils avaient le temps d’exister à l’écran rien qu’en s’occupant de choses ordinaires ou triviales… Bay les comprenait plus.
    Quant à Oscar Isaac, celui qui met tout le groupe dans la panade, son personnage a beau être ponctuellement montré comme un homme secrètement épris de son informatrice (ben oui, c’est Adria Arjona), le reste du temps il est moyennement sympathique, et il faut attendre que la mission parte en cacahouètes pour que lui aussi décide de s’imposer des limites strictes afin de ne pas alourdir son âme – l’idée utilisant les ados soldats reste intéressante à défaut d’être complètement aboutie.

    Une heure d’exposition et de mission devenue officieuse, une exécution de salaud avec en bonus un pactole plus gros que prévu, et évidemment après ça va bifurquer vers « Le Trésor de la Sierra Madre ». Puis vers un mini Survival, mais pas jusqu’à l’horreur absolue, ni même « Predator ». Chandor jouant surtout avec les conventions cinématographiques – quand il y a des personnages « en double » dans un film d’action, ça veut dire qu’on peut aisément sacrifier l’un d’entre eux (deux frères, deux latinos… le résultat aura le mérite d’être surprenant).
    Nos hommes devront donc redevenir des professionnels honorables, tout devait nous ramener à ça. Mais c’est comme si J. C. Chandor continuait lui aussi à se mettre des limites, à garder une dimension intellectuelle, alors que Tout dans ce film devrait l’obliger à embrasser la dimension viscérale du récit.
    On en sera quitte pour ses scènes d’action fonctionnelles, inventives, symboliques (la maison coffre-fort, la chute de l’hélicoptère ou d’un âne), dans des paysages très attrayants… malheureusement pas assez dynamisés, comme si le fait que le film ait été repris par Netflix impose inconsciemment les réalisateurs à diminuer l’ampleur de ce qu’ils filment, puisque ça sera majoritairement vu sur petit écran.

    Avec en bonus, quelques clins d’œil à la filmographie du réalisateur – le même container Ho Won de « All is Lost », et Pedro Pascal portant une casquette Standard Heating Oil, la compagnie de fioul de « A Most Violent Year ».
    Une manière de garantir la continuité entre les films de l’auteur, jusqu’à poser là aussi des questions similaires à la toute fin : peut-on apprendre de ses erreurs ? ou bien est-on condamné à les refaire incessamment, incapable de résister à l’appat du gain ?

  10. – « Kraven the Hunter..? il voit un truc qui bouge, bon, il tire… »

    Pour ce film de commande, J. C. Chandor semble avoir écouté les critiques de « Triple Frontière » qui lui reprochaient son manque d’énergie, lui qui n’a pas vraiment envie de sublimer la violence.
    Une barrière vient donc de tomber… mais peut-être aurait-il dû aussi écouter les critiques faites au pseudo Sony’s Spider-Man Universe ?

    Étant donné que les films qui ont été produits à partir de rogatons de la franchise comics Spider-Man, ce sont des blockbusters standardisés selon le même principe, en fin de compte : tous comportent littéralement des variations létales de Spider-Man.
    Venom, Morbius, Ezekiel et les (brèves) Spider-Women… maintenant Kraven, attendu depuis des années, teasé avec le Rhino à la fin de « …No Way Home », et avec une nouvelle origine basée elle aussi sur… une morsure et une formule spéciale.
    Dans les faits, ce sont tous des individus qui peuvent soulever des trucs très lourds, briser des murs de briques, résister aux gros chocs, grimper aux murs ou planer sur la ville… et tuer leurs ennemis, au contraire de Peter Parker.
    Seules leurs motivations divergent, même si celles-ci ne représentent pas toujours un grand intérêt – d’où aussi bides au box office.

    Donc ce film peut se voir comme une continuation de « Triple Frontière », Chandor prenant toute une heure pour introduire les personnages (d’un hommage maladroit à John McTiernan, à une longue partie adolescente). Et y critiquer plus ouvertement la masculinité toxique à base d’éducation abusive, de « loi du plus fort », « dominer les faibles », « ne pas hésiter à prendre ce qu’on désire » (c’est ça l’Amérique pour certains immigrés)…
    Toujours une métaphore impérialiste, pas du tout subtile, mais c’est raccord avec les personnages – et rien à fiche de leurs accents russes, on n’est pas non plus dans un documentaire sérieux.
    Sergei Kravinoff étant un contrepoint, imposant une virilité plus équilibrée, moins oppressante, tout en n’étant sûrement pas un Bisounours. Pendant que le frère Dimitri Smerdiakov représente une masculinité plus sensible et « fluide » – comme souvent, ces réinventions auraient pu faire de bons comics.
    De fait, le film essaie d’atteindre deux objectifs distincts, mais qui finissent par se rejoindre dans leurs limites :

    D’abord, crédibiliser un chouia des vilains de comics créés il y a des décennies, et quasiment ringards depuis longtemps. Kraven ne pouvant plus être un collectionneur d’animaux morts, non pas parce que « c’est pas bien », mais surtout parce que, raconté à notre époque… c’est juste con et inutile d’avoir ces trophées. Car on sait très bien aujourd’hui que ces bêtes sont en voie de disparition, et qu’il n’y a plus rien de noble à les chasser… si le protagoniste en titre n’est pas capable de comprendre ça, on n’aurait même pas envie de le suivre tellement il serait idiot. Et il n’est pas non plus un écolo sympa, protecteur des bêtes etc, mais plutôt un guerrier qui a son propre code de conduite (toujours les limites Chandoriennes).
    Par contre le père de Sergueï, Nikolaï, peut se permettre d’être ce genre d’individu réac et oppressant. Et Russell Crowe est suffisamment crédible pour jouer un « Kraven d’antan », même si son épaisseur physique reste un problème.
    La réinvention des ennemis Marvel en mafieux plus qu’en vilains cambrioleurs, elle permet là aussi au réalisateur de montrer tout ce qu’il avait éludé dans « A Most Violent Year » – y compris avec la présence clin d’œil de Alessandro Nivola et Christopher Abbott, ce dernier portant à un moment donné le manteau en poils de chameau de Oscar Isaac.
    Mais comme dans « Triple Frontière », il n’arrive pas toujours à doser des éléments contradictoires, et ça concerne aussi le deuxième objectif.

    Parce que le Kraven qu’on nous montre à l’écran, c’est aussi une sorte d’actualisation de… Steven Seagal. Ce qui revient à le dévitaliser, puisque c’est impossible de cautionner tout ce que faisait l’homme au catogan. 😅
    Certes Aaron Taylor-Johnson (pas un grand acteur) est un peu plus expressif que Steven, et bien plus véloce… mais ainsi, il en devient moins drôle, y compris quand il exprime sa philosophie de vie, et quand il fait de l’esprit – ça tombe bien sûr à plat.
    Comme Steven, il est super fort, quasi invincible, il a une réputation de tueur impitoyable (seulement avec les truands bien sûr), il défonce des gus grotesques un par un avec une exagération jouissive… seulement comme il a des super pouvoirs félins (pas trop loin de certaines versions des comics), c’est moins réaliste, moins brut – et c’est toujours ridicule quand un film nous montre un humain marcher à quatre pattes.
    Sa réputation ne repose sur rien de connu (contrairement à Steven, désigné comme « membre des forces spéciales, capable de tout et n’importe quoi etc »), ce qui fait que ses ennemis ne flippent pas du tout à l’idée qu’il leur tombe dessus, puisqu’il n’est qu’une petite légende urbaine.
    Et surtout… il ne couche pas avec la fille ! Alors que c’est Ariana DeBose tout de même. C’est pas comme si on était dans « Terrain Miné » !
    Qu’est-ce que vous voulez, la « galanterie » des années 80, ça n’était rien d’autre qu’un fantasme – par ailleurs, la Calypso des comics aussi.

    Et même s’il y a quelques jolis plans (la silhouette du jeune Kraven au milieu de la Savane)… même si c’est marrant de voir, par exemple, un mec se faire couper en deux vite fait à partir de l’entrejambe… ça reste du R Rated avec beaucoup de numérique visible. Pas assez frappadingue ou excentrique pour devenir une Série B dégénérée, donc jouissive – pour ça il aurait mieux valu ne pas essayer de caractériser les personnages, et jouer à fond l’action bête et méchante, le film de fafs complètement assumé.
    Surtout avec un Tarzan-Rambo survitaminé (la longue course-poursuite pieds nus à Londres ?!), une scène d’hallucination arachnéenne qui aurait mérité de durer plus longtemps, un Rhino hulkien moins bête que l’original, un Étranger (pas la version cosmique) aussi opaque que dans les comics, et quelques pistes narratives promptes à être développées un de ces jours (un fournisseur de pouvoirs très connu).
    Ce qui n’arrivera peut-être pas. Ni dans une suite, ni dans l’Arlésienne « Sinister 6 », pensée par Sony comme un « Avengers » du mal, leurs personnages devant avoir suffisamment été développés avant de succomber à la tentation d’aller chasser l’Araignée.

    C’est là qu’on retrouve un peu du cinéma de J. C. Chandor, in fine, lorsqu’une victime décidera de se métamorphoser en individu avide, et un autre en héritier légitime malgré lui…
    Confirmation que l’on ne peut pas échapper au Crime quand on l’a côtoyé de trop près ? Condamnés par l’atavisme ?
    La réponse, on l’a dans les comics. Au cinéma par contre, ça reste ouvert… comme à la fin de tous les films de ce réalisateur.

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