Le bar de Galactus #270 : Megalopolis ~ Mother Land

13

Bienvenue dans le bar de Galactus : chaque lundi, une nouvelle page est à votre disposition pour discuter cinéma, télévision et comics au sens large, loin des univers Marvel et DC Comics !

C’est l’heure de vérité pour Francis Ford Coppola… Megalopolis, sa fresque de science-fiction auto-financée qui a pour héros un ambitieux architecte dans une New York imaginaire, sort mercredi dans les salles, avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Aubrey Plaza et Shia LaBeouf. L’ironie de l’histoire ? C’est qu’un autre film avec un architecte, The Brutalist (ft. Adrien Brody et Felicity Jones), fait le buzz après avoir raflé plusieurs prix à la Mostra de Venise. Dans un tout autre registre, notre Alexandre Aja national sort lui aussi mercredi son nouveau film d’horreur, Mother Land. De loin, difficile de ne pas penser à Bird Box, Halle Berry remplaçant ici Sandra Bullock. Alors, qu’avez-vous vu/lu/bu en ces premiers jours d’automne ? A vos claviers et très belle semaine à tous !

Megalopolis est une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicéron. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicéron, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité.

13 COMMENTAIRES

  1. Coppola qui pense financer ses prochains films avec les recettes de celui-ci alors que ça va être un bide monstre…

    Sinon le Aja, ça sent la mauvaise distribution, il n’y a eu aucune com.

  2. Je suis assez curieux de Megalopolis même si c’est sans doute de la curiosité morbide… Et je compte bien aller voir Mother land qui a défaut d’avoir l’être follement original semble présenter une iconographie plaisante (les ptites mains qui se déplacent le long de l’arbre, ça fonctionne bien sur moi)

    Vu:
    Speak no evil: j’ai pas vu l’original mais j’ai été très séduit par cette proposition. Le cast est très bon (avec un McAvoy toujours à deux doigts de tomber dans un sur-jeu grotesque) et la montée en pression fonctionne vraiment bien.

    The Penguin ep1: C’est bien plaisant à regarder, j’ai un faible pour les séries de gangsters donc ça marche bien sur moi. Cristin Milioti est impeccable. Hâte d’en voir plus.

    Les anneaux de pouvoir: je ne boude jamais mon plaisir à retourner en Terre du Milieu. Certes tout n’est pas parfait sur cette saison 2 mais je suis ok tant le voyage est beau. Peut être auraient-ils du épurer le cast et se concentrer pendant une saison entière sur une partie des rôles (Sauron et Celembrimbor, Galadriel, Elrond et Adar, les nains) et laisser les autres pour la saison suivante (les pieds velus, l’étranger, Isildur et Numenor). C’est peut être pas la meilleure solution commerciale mais narrativement ça pourrait permettre de développer correctement chacun des arcs et que tout semble moins rushé.

    Lu:
    Southern Bastard intégrale 1: Un vrai plaisir de me remettre dans ce récit exceptionnel. Les dessins de Latour sont sublimes et rendent à merveille cette histoire crados et violente. Je vous conseille c’est super (pour les fans de Banshee, Sons of Anarchy ou toutes ces oeuvres qui puent les gangs et les rednecks)

  3. J’hésite à me lancer sur House of Dragons.

    L’expérience GOT a été traumatisante pour moi, où les 4 premières saisons étaient juste parfaites à mes yeux en terme de complexité, dialogues, etc…
    Puis, la dégringolade qu’on connait…

    Questions sérieuses pour ceux qui connaissent (no spoil, no jugement pliz):
    – L’héroine de HOD n’est pas une Daenarys bis?
    (Le côté imprévisible de tous les persos de GOT dans les premières saisons étaient ce que je préférais. Tous les personnages étaient « gris ». L’évolution de Daenarys en « Princesse Disney » dans ce monde impitoyable, m’a tout simplement gaché mon plaisir.)
    – Pas de race/gender plot armor?
    (J’ai vu des persos black, ça c’est loin de me déranger. Mais bénéficient ils d’un plot armor par rapport à ça? Là aussi, ça risque de me gacher mon expérience, j’aimerai qu’absolument tous les persos soient sur un pieds d’égalité.)

    L’une des principales raisons de mon affection des premières saisons de GOT est l’environnement cruel et impitoyable dans lequel les personnages évoluent.
    Si il y a des plots armor par rapport à des genres/races/++, l’effet ne prendra pas pour moi. Je préfèrerai passer, en souhaitant le meilleurs visionnage à ceux qui apprécient.

    • Je vais essayer de te répondre en sachant que j’adore GoT (au moins jusqu’à la dernière saison si décevante par son écriture) et que je suis certainement le plus farouchement opposé ici à toutes ces conneries pour audiences « modernes ».
      Rhaenyra n’est pas Daenarys. Si elles ont en commun leur blondeur, leur beauté et leur désir de conquérir le Trône de Fer, il y a quand même beaucoup d’éléments qui les différencient. Là où Daenaerys est naïve et vulnérable mais qui devient progressivement une leader charismatique, passionnée par la justice et la libération des opprimés, Rhaenyra est une vraie Targaryenne, impulsive, ambitieuse et arrogante qui est surtout préoccupée par sa carrière, au début tout du moins.
      Les deux séries sont tout autant politiques mais là où GoT avait son lot de méchants inoubliables, HoD présente plus deux camps opposés (les noirs et les verts) sans vraiment présenter un camp comme le méchant et l’autre comme le bon.
      Niveau visuel, c’est du HBO, donc à des années lumières de la concurrence (excepté le SDA d’Amazon).
      Maintenant niveau wookies…. ils sont présents mais comme c’est bien écrit ça passe crème, si on accepte le fait qu’il y ait des Rastargaryens.
      Quant au plot armor, les femmes étant largement les héroïnes principales, elles ne sont pas épargnées mais les Rastargaryens eux semblent pour l’instant profiter d’un traitement plus favorable. A voir pour la suite.
      En tous cas, je conseille. On est pas dans le meilleur de GoT mais ça propose quelque chose de différent, dans le même monde et avec son lot de surprises et de scènes magnifiques.

    • Je souscris à tout ce que dit Garyus.
      Je rajouterais que HotD est plus intimiste et psychologique que GoT. Par là, il ne faut pas s’attendre à un duel ou une bataille épique à chaque épisode. Beaucoup en ont été déçus. Pour moi, c’est plutôt une force. D’autant que le jeu des acteurs est excellent, tout comme l’écriture des dialogues.

      Par contre si tu trouves que GoT a commencé à baisser dès la saison 4, nos avis divergent. Alors je ne peux garantir que tu aimes HotD.

  4. Merci, je me lance ce soir =)

    J’en attends pas de batailles, ni de spectacles de dragons. Justement l’idéal absolue pour moi serait d’avoir des persos autour d’une table qui partagent une discussion pendant 1h, a la hauteur de la qualité d’écriture du monologue de Tyrion au tribunal.

    • Aucune chance puisque un Tyrion qui envoie se faire voir les puissants méprisants, ainsi que tous ceux qui leur lèchent les bottes, c’est impossible : la série repose principalement sur les « bourgeois » (plein de Targaryens et leur cour), en huis clos. Pas de grande diversité de personnages par rapport à « GoT », où on y trouvait aussi bien des nobles que des preux guerriers, des assassins (voir les trois à la fois avec Jamie), des bandits etc…
      Et de l’aventure.

      C’est plus difficile de s’accrocher, surtout quand de grosses ellipses changent des acteurs au moment où on s’attachait à eux. Et qu’on nous foute du hors champ à des moments intéressants – un antagoniste magnifique lors d’une belle bataille, par exemple (toujours ces problèmes de répartition du budget).
      Surtout les épisodes de la première saison finissent par avoir la même mécanique, immuable : personne n’est d’accord dans cette grande famille (où on critique vivement le patriarcat, tout en étant trop obsédé par la génétique), un personnage superbe essaie d’arrondir les angles, tout va bien, un grand événement est organisé et Patatras !… quelqu’un vient tout gâcher.

      Ça n’est pas une critique négative, juste un conseil : cette série a beaucoup de qualités (acteurs, dragons plus divers que les triplés de Daenerys, moins de sexe racoleur…)… Mais elle a aussi des parti-pris narratifs, pour se distinguer de « GoT », au moins au début.
      Et un parti-pris, ça n’est pas fait pour faire plaisir à tout le monde.
      Disons que si vous aimez « Barry Lindon »… vous avez presque la même chose (attention à quelques décors qui piquent les yeux), sauf leurs cheveux blancs ne sont pas des perruques poudrées.😁

  5. Megaloland ?
    Motheropolis ?

    Vu et revu :

    Spéciale Michael Bay/Christopher Nolan, deuxième partie…
    Place à l’homme labyrinthe :

    Ce qu’il y a avec le cinéma de Christopher Nolan, et qui provoque si souvent de l’incompréhension, voir du rejet (sans l’empêcher d’avoir de gros succès, parce que ses films sont très cathartiques)… c’est que le potentiel derrière son type de narration est très grand, et pourrait être très signifiant par le biais du scénario et du jeu des acteurs, de ses tableaux dignes d’une expérience philosophico scientifique.
    Mais que toutes les interprétations qui auraient pû s’incarner dans ses réalisations sont des promesses qui resteront souvent absconses, en partie.
    Comme si Nolan ne croyait pas en ses chances nous donner sciemment plus de clarté, plus de fluidité et de chair, sans avoir à rogner sur ses expérimentations intellos, sa maniaquerie du contrôle etc…
    Parce que le mec a une capacité de réflexion étonnante, qui n’est pas accessible pour tout le monde et peut diviser les gens quant à l’interprétation de ses films – on peut aussi prendre ça pour une astuce commerciale pour faire revenir les gens en salle, ce qui ont loupé des trucs et essayent de comprendre.
    Et il a beaucoup de choses à dire, des choses qui peuvent d’ailleurs être en contradiction les unes avec les autres… Par exemple il se concentre sur le processus (quels sont les outils et les règles du monde dans lequel évoluent ses personnages), utilise avec escient le montage alterné, parle de la dualité (temporalités, égos opposés/complémentaires, identités, réalités), d’artifices et de mensonges…
    Et surtout, le point essentiel : tout est une question de Points de vue dans ses histoires. C’est la clé. Sans avoir ça en tête, on ne peut pas comprendre son cinéma.
    Hélas, bien souvent il prend tout le temps qu’il faut pour développer les diverses strates qui composent ses films, ce qui fait qu’elles se superposent les unes sur les autres… plusieurs films en uns (des hyperfilms), qui se parasitent presque.
    La virtuosité des scènes d’action devant moins primer que le rythme, alors que c’est aussi pour ça que les spectateurs viennent.
    Par contre, quand il arrive à marier Fond et Forme, c’est d’une justesse folle !

    – « Doodlebug »…
    Court-métrage kafkaïen, très simple et ironique, qui utilise déjà le principe de mise en abîme…
    Un Nolan drôle et horrifique, c’est surprenant.

    – « Following »…
    Premier film, en noir et blanc plus économique que Arty, et à la narration désynchronisée… Donc film puzzle, où Christopher Nolan établie dès le début que « le spectateur doit travailler, remettre lui-même les parties dans l’ordre et pas attendre que le film fasse ça à sa place ».
    Certes c’est déjà à la base du Cinéma, le montage créant un état temporel relatif, que notre cerveau doit reconstituer l’ordre réel, et conclure qu’il se passe des choses entre chaque séquence. Mais l’auteur pousse ça plus loin, sans doute sa façon à lui de créer du divertissement… en chopant des indices par exemple : une coupe de cheveux, un costard, une gueule fracassée donc forcément par untel individu – sauf que non, car il y aussi des fausses pistes. Et tiens, le, logo de Batman sur une porte !

    Il y a un peu du « Baiser du tueur » de Kubrick là dedans, où il est question d’invasion de la vie privée, et de doute sur la parole des femmes – chez Nolan, ça s’avère plus pessimiste, décalque des Films Noirs dans lesquels le protagoniste principal se prend lui-même au piège.
    Le piégeur ici s’appelant Cobb, donc on pense à Cobweb, l’araignée et sa toile – et dont l’histoire pourrait servir à alimenter un autre film, avec son propre point de vue (déjà ce défaut chez Nolan de multiplier les intrigues).
    Et il y a aussi le traitement de la solitude dans les grandes villes, car c’est également un tantinet un film dramatique.
    Bref Nolan court déjà plusieurs lièvres à la fois dès son premier film.

    – « Memento »…
    Encore un peu du « Baiser du tueur » et de désynchronisation, en séparant cette fois le film en deux lignes temporelles : les séquences du Passé en noir et blanc se suivant dans un ordre chronologique normal.
    Celles en couleurs, partant du Présent et se suivant les unes les autres dans un ordre chronologique inversé.
    Coquetterie de mise en scène ? Peut-être, car c’est une idée qu’on ne peut raccorder avec la pathologie que souffre le personnage principal : Il ne régresse pas mentalement, c’est juste qu’il ne retient pas le Passé proche, obligé de ne vivre que le Présent. Mais si sa mémoire à long terme reste, il finit aussi par mélanger les faits, puisqu’il est manipulé par d’autres… Toujours ces archétypes de Film Noir, genre cinématographique qui a resurgit d’une manière moderne dans les années 90, souvent couplé à de la SF.
    Rien d’étonnant de trouver ici deux des acteurs de « Matrix », ainsi qu’un Guy Pearce encore frais émoulu de « L.A. Confidential » – les castings de Nolan sont presque tous prévisibles, allergiques aux contre-emplois.

    C’est encore un protagoniste enfermé dans ses obsessions, et c’est déjà un raconteur d’histoire, qui crée sa propre réalité – spécialiste en assurances comme chez James M. Cain, il serait un détective amateur et vengeur (le symbole de Batman est encore planqué dans un coin), avec une tête à la John Constantine, un costard et une Porsche ramassés quelque part (petit décalque de Sonny Crockett ?)… Bref, le supposé maître de la narration, d’autant qu’il inscrit le déroulé de son « script » sur sa chair elle-même, afin d’y ajouter les sensations physiques, un jusqu’au-boutisme radical.
    Illusion du contrôle en vérité, et c’est l’une des particularités les plus gênantes des films de Christopher Nolan : leur côté très précis et professionnel pourrait réjouir le spectateur, content de voir un récit avec des personnages qui savent ce qu’ils font et qui font ce qu’ils disent… Mais en vérité, ils ne savent pas (en tout cas pas assez), puisque nous avons de l’avance sur ces protagonistes – et des fois, pas du tout, on se fait avoir en même temps qu’eux.
    Mensonges et contradictions, toujours.
    De là à faire le parallèle entre le modus operandi de ce Leonard Shelby, et le talent de Nolan lui-même…

    D’où une frustration continue : ce que nous vend l’auteur, censé être définitif, est en fait faux ou bien vicié de l’intérieur… l’inverse total de ce qui nous était montré : point de vue principal d’un côté, points de vue annexes de l’autre, et la vérité n’est qu’un mélange de tout ça.
    La logique manipulatrice est pourtant évidente, mais le film ne s’en affranchit pas et fait descendre aux enfers son antihéros, qu’on se retrouve à plaindre.
    Et de nous contenter alors d’instants qualitatifs où apparaissent tels tours de force de réalisation (même avec une narration inversée, le montage reste substantiellement linéaire, puisqu’il distille des révélations au fur et à mesure)… Tels visuels qui imprègnent la rétine (le corps tatoué – et sculptural – de Guy Pearce).
    Ou bien des moments d’une grande tendresse dans cet océan de pessimisme – le deuil amer de Leonard Shelby, sa dissolution progressive… et le couple Jankis qui, même s’il semble être une invention (Stephen Tobolowsky et Harriet Sansom Harris, des acteurs qui ont quasiment la même tête, comme si c’était des doubles), sont parmi les personnages Nolaniens les plus touchants et banals… quel paradoxe !
    La réalité telle que l’envisage Nolan est-elle juste une affaire de décors et de contextes… et pas d’humains aux émotions insondables ?

    – « Insomnia »…
    Encore un polar torturé, encore un protagoniste principal enfermé dans ses obsessions… et cette fois au sens littéral.
    D’abord pour ce qui est des références, il s’agit d’un remake – le seul et unique de Nolan – l’obligeant à suivre un chemin entièrement balisé par une œuvre filmée, donc faisant parti du même medium.
    Mais c’est aussi un thriller de tueur en série, qui multiplie les visions poisseuses et dérangées, avec des plans en inserts qui font un peu penser à « Se7en » sans en devenir une énième sous-version.
    Et un Al Pacino qui ne fait pas que convoquer l’esprit de « Heat », avec l’évidence habituelle de tous les castings de Christopher Nolan… Car il y représente quasiment la continuation du super flic Vincent Hanna, hyper intuitif, qui arrive direct de Los Angeles, gueule et intimide, dépasse quelques limites (au point d’avoir l’IGS aux fesses), se confond avec la proie qu’il chasse…

    L’auteur ne peut pas vraiment se réclamer de Michael Mann, ses professionnels solitaires, leur mélancolie virile et romantique. Mais il se repose sur l’historique des personnages de son acteur (on peut aussi penser à Serpico), le ramène naturellement sur ce territoire où la Loi et la Justice ne travaillent plus ensemble, et ou l’abus de pouvoir mène à la déchéance, même avec de bonnes intentions (coincer un tueur d’enfants patenté)…
    Et Nolan y laisse aussi l’environnement influer sur lui :
    Le protagoniste est cette fois enfermé aussi bien physiquement que mentalement, dans cet Alaska – que Nolan ne caricature pas, les autochtones étant un peu limités en moyens techniques, mais pas tous inexpérimentés
    Et où, quand il y arrive, le soleil ne se couche pas pendant des mois, la lumière étant le symbole d’une vérité aveuglante que Pacino ne veut pas admettre. Ça plus une séquence cruciale se passant dans le brouillard, et voilà Nolan qui commence à traiter du paysage des Limbes, qui sera récurrent dans sa filmographie.

    Ainsi que les thèmes de la culpabilité, du double (l’antagoniste que joue Robin Williams est d’une douceur terrifiante), du sacrifice et de la rédemption.
    Apparition de l’archétype féminin positif du cinéma de Nolan, c’est à dire une jeune idéaliste (Hilary Swank – aucune revendication féministe) qui sert de sidekick au protagoniste, lequel lui donne les clés pour réussir une bonne enquête… tout en torpillant tous les indices qui vont l’incriminer.
    Mensonges et contradictions, toujours.
    Avec quelques bonnes scènes d’action ou de suspense, ainsi que d’hallucinations dues à l’insomnie (ce flic ripou malgré lui s’appelle Dormer… déjà un jeu de mots compréhensible pour les spectateurs francophiles)…
    Bref c’est l’un des meilleurs films de Nolan, si ce n’est Le Meilleur. Tout simplement parce qu’il a l’humilité de se reposer sur ses grands acteurs oscarisés (un point de vue chacun, et ils s’amalgament parfaitement), sur un genre cinématographique qu’il ne surgonfle pas avec un concept de mise en scène ou divers arcs narratifs, et auquel il ajoute de la chair et de l’horreur discrète.

    C’est quasiment la dernière fois que Nolan est aussi direct, limpide, tenant toutes ses promesses, avant de passer aux gros budgets. Et comme on dit dans le film :
    « Une fois passé de l’autre côté…on ne revient pas ».

    – « Batman Begins »…
    Un petit choc émotionnel à sa sortie, pourtant les gens n’ont que peu retenu ce film, au moins aussi fort et exceptionnel que sa suite.
    Enfin Batman pouvait sortir des rues de Gotham et voir le monde, enfin Bruce Wayne existait dans le présent et pas seulement dans le souvenirs de ses traumatismes. Même si, avec le recul et divers revisionnages, où le manque de fluidité des séquences d’action est de moins en moins compensé par les qualités…
    On a l’impression que ce film et tous les autres ont été conçus comme les faces cachées des versions cinéma précédentes.
    Bien qu’ayant un déroulé proche de l’arc narratif Batman Year One, dont Darren Aronofsky a échoué à faire aboutir l’adaptation (Bruce tâtonne, on a enfin un Gordon actif, il y a l’embuscade avec les chauves-souris, le teasing final du Joker) et avec aussi quelques bouts de Dark Knight Returns… tout le film semble refaire le Batman de Burton sous un autre angle – ou point de vue, évidemment :

    Le premier avait un format d’écran tout en hauteur (1:85), pour la verticalité de Gotham – maintenant c’est en large 2:35, et la ville sera dans toute son amplitude, ses diverses zones (le monorail, les Narrows), et même le Monde au delà…
    La photographie de film de 1989 était assez froide et neutre – celle-ci est plus chaude et organique (inspirée de « Blade Runner)…
    Batman n’avait pas besoin de montrer sa formation – maintenant si, et elle est cruciale…
    Le meurtre des Wayne avait une force lyrique – maintenant il est traité comme un fait divers violemment abrupt…
    La fille à sauver et aimer était un sex-symbol – maintenant c’est une girl next door, témoin de moralité…
    Le précédent utilisait la thématique de la Vengeance – pour celui là, c’est la Peur (héritage d’un cinquième film avorté centré sur l’Épouvantail)…
    Tout les gadgets étaient juste incroyables – maintenant ils sont également fonctionnels (même si Christopher Nolan les présente à la façon de James Bond et Q)…
    Une seule grande star en 1989 – un bon paquet ici, dans des rôles secondaires qui sont autant de pères spirituels pour Batman, plus du tout un solitaire…
    Une virtuose attaque au gaz ne laissait que peu de conséquences – une autre, plus chaotique, va laisser de profondes cicatrices…
    La question de tuer l’antagoniste restait ambiguë chez Burton (et dans les années 80 en particulier) – ici elle est un élément constitutif du personnage, très clair…
    Tout ces détails scénaristiques faisant de toute façon partis du lore étendu de Batman dans les comics produits depuis des décennies, le co-scénariste David Goyer servant de caution érudite.

    Malgré tout il y a une continuité bienvenue avec les Batman de Burton, à savoir du grand spectacle, un côté grandiose et émouvant à la fois… De l’attachement, surtout avec un Bruce/Batman qui ne se fait pas voler la vedette (toujours miser sur un comédien capable d’inspirer le danger)… et l’équilibre entre le côté « grondant » de la musique de Hans Zimmer, et le lyrisme de celle de James Newton Howard, sûrement engagé à cause de « Incassable » (autre origin story héroïque traitée de façon semi rationnelle).
    Tout n’y est pas parfait dans la mise en scène, mais le personnage reposant en grande partie sur le concept de son iconisation (comme tout les héros DC), ce qu’il dégage comme impression est suffisamment intense et « magnifique dans l’héroïsme » pour tout emporter avec lui.
    C’est simple : si Year One est une origin story canonique à tous les comics existants (qui la citent encore aujourd’hui), « …Begins » a la même valeur au cinéma.
    Hélas, personne n’a jamais pensé à l’utiliser comme telle : c’est à dire comme un point de départ immuable, une base exploitable pour ne pas avoir à repartir de zéro à chaque nouvelle génération.

    – « The Dark Knight : Le Chevalier noir »…
    Christopher Nolan voit déjà trop gros pour cette suite – ou deuxième chapitre plutôt – dont l’ambition est souvent à deux doigts de le voir s’écraser sur lui-même.
    Un film encore plus en forme de mini-série, qui commence comme du Michael Mann et finit comme dans « Se7en », faisant donc l’amalgame entre les errances métropolitaines de « Following », et le rapport déséquilibré Loi/Justice déjà à l’œuvre dans « Insomnia » – le Joker y est autant un élément perturbateur que Robin Williams, et Harvey Dent suit la même pente descendante que Pacino (s’il tombe, tout son travail honnête sera décrédibilisé, des meurtriers libérés).
    Mais aussi qui traite du Chaos, avec son vilain quasi terroriste (si on devait considérer que la folie opportuniste peut être une idéologie – peut-être comme force nihiliste).
    De l’équilibre des forces entre entre Police et Crime, les uns ne pouvant exister sans les autres (frapper les uns au portefeuille était une mauvaise idée, le statu quo garantissant une forme de Paix).
    Et de la surveillance et du libre-arbitre, dont la Machine de la future série « Person or Interest » (du frère Jonathan Nolan) représentera une extension.
    Ça fait beaucoup tout de même.

    Et toujours ses points de vue différents des aînés :
    Le Joker de 89 était d’abord quelqu’un, et il était aussi impressionnant que surréaliste (un emploi naturel pour Jack Nicholson, surtout post « Shinning » et « …Eastwick ») – celui de 2008 n’est personne, et a un pouvoir de fascination tout aussi puissant, même en étant plus terre-à-terre (d’autant que c’est un contre-emploi total pour Heath Ledger)…
    L’un meurt dans le premier – l’autre ne peut qu’être sauvé dans celui-ci…
    Harvey Dent était construit à la va-vite chez Burton et Schumacher, jusqu’à se sentir à l’étroit dans le film de 1995 – ici son arc est complet, sans être une seconde à l’étroit… ce qui apparaît comme miraculeux car c’est le troisième film qui devait normalement montrer l’ascension de Double Face.
    Et au passage, pour Aaron Eckhart il s’agit du rôle de sa vie, il ne trouvera jamais mieux que ce procureur qui a trop abusé d’effets de manche (sa fausse pièce, son moyen de garder le contrôle), et finit tragiquement puni.
    Tout comme Batman et Gordon, dans une victoire à la Pyrrhus, en prenant cette fois le meilleur de l’arc narratif Un Long Halloween.

    Et encore une continuité substantielle avec les Batman de Burton, donc de l’action un peu plus libérée (en voyant la poursuite avec le camion qui se retourne, et la voiture qui se transforme, on dirait que Nolan a regardé « Transformers » au moment de sa sortie), toujours un côté grandiose et émouvant, avec une noirceur encore plus forte cette fois… De l’attachement, même si Bruce/Batman s’y fait doublement voler la vedette…
    Et l’équilibre entre le côté « grinçant » de la musique de Zimmer sur le Joker, et le lyrisme bouleversant de Newton Howard dans sa dernière ligne droite.
    Toujours pas parfait dans la mise en scène, mais globalement très soigné.
    C’est une évidence : pas de « Spectre » ou « Avengers » sans ce film (le méchant qui se fait incarcérer exprès), même si la réalisation n’a rien à voir.
    Et pas de « Joker », qui se nourrit aussi bien de Nicholson que de Ledger. Sans compter des tas de comics, l’inconscient collectif etc.
    Un film un peu imité, mais jamais refait à l’identique. Il faudrait attendre longtemps pour ça – quoique avec une série tv, justement…

    – « The Dark Knight Rises »…
    Dernier chapitre pour Christopher Nolan, qui tombe dans le syndrome des épisodes de trop… c’est à dire qu’après la thèse et l’antithèse, voilà l’ennuyeuse et bourrative synthèse. Il en a conscience d’ailleurs, et essaie de regrouper ses histoires pour qu’elles servent les unes aux autres. Et c’est presque réussi.
    Tout de même, mélanger à la fois l’arc des comics des Al Ghul, celui de Bane (auquel on peut certes le lier), celui de No Man’s land et celui de Dark Knight Returns… c’est beaucoup trop. Ça méritait vraiment un film chacun, sans se presser (il y a de quoi faire grimper un Snyder au cocotier, qui va trop s’inspirer de ça pour ses propres films).
    En y ajoutant aussi ses comédiens de « Inception », avec une fin plus Premier Degré qu’on ne croit…
    Une touche du Conte de deux cités de Dickens, avec une référence à la crise des subprime, opportuniste seulement pour Bane, pas pour le réalisateur (de toute façon le vilain envisage de faire péter toute la ville, toute sa rhétorique anti riches est une manipulation)…

    Et toujours ses points de vue différents des aînés :
    Anne Hathaway finalement superbe en Selina Kyle, malgré les craintes de certains. Elle joue le personnage en étant fidèle à sa version comics de Cat-burglar, faussement nihiliste, possible icone sexuelle. La seule à tenir la dragée haute à Bats, et ça c’est jouissif. Mais c’est aussi vrai que le déroulement de l’histoire ne peut l’élever au niveau de la version de Michelle Pfeiffer dans « …Returns » où Tim Burton, de la même façon que pour le Pingouin, poussait déjà l’iconographie des vilains au maximum. Chacun tour à tour dépassant le statut de freaks costumé pour aller vers des extrêmes symboliques et plus monstrueux par rapport aux originaux, un peu aussi comme Heath Ledger.
    Rien à vraiment adapter à l’époque en somme, mais avec son look de Julie Newmar et son caractère trempé et, mine de rien félin, elle assure. Et en n’étant pas attaché directement au éléments principaux du film, ça en fait un électron libre capable de l’inattendu. Le vrai « Joker » du film, c’est elle…
    L’énorme Tom Hardy en Bane « Laden » nous offre justement un extrémiste monstrueux, fidèle au caractère de matamore de son modèle originel. Le genre de gars qui casse des briques et du moral, et qui en est fier. Pas comparable avec celui brièvement vu dans le film de 1997, c’est ici une sorte de créature de Frankenstein, peu maître de ses actes et légèrement émouvant dans sa monstruosité…
    Enfin Joseph Gordon Levitt représente un peu le coeur du film, c’est à dire le spectateur « humain », observant les évènements se dérouler et intervenant avec courage au moment opportun. Un peu dans le même genre qu’un Myers dans « Hellboy » ou Coulson dans « Avengers »… Mais c’est dommage le cantonner à un clin d’œil Robinien, plutôt que de faire tout un film (là aussi) sur la formation du jeune prodige. Pour le coup, la version de 1995 lui reste supérieure.

    Comme d’habitude Nolan a rameuté sa team d’acteurs en clin d’oeil ou rôle mystère (Marion Cotilard ne démérite pas trop vu le père de son personnage), ou bien gloires passées (Matthew Modine, Tom Conti…). Il a encore réussi à y caser de la neige et à étirer à l’infini son histoire – quasiment une année complète pour chaque intrigue de Batman.
    Le manque de montée en puissance formelle au profit du sur-contexte et d’une petite pincée de didactisme, c’est certainement préjudiciable à ce film (pas terrible 1ère baston face à Bane). Idem pour l’absence de James Newton Howard, privant la musique d’une dose salutaire d’émotions.
    Pas prétentieux pour autant, quand on raconte l’histoire de l’une des icone les plus connues de la bande dessinée américaine ? Le but de ce genre de cinéma étant le divertissement (d’ailleurs c’est le cas de tous les films de l’auteur), mieux vaut se laisser aller le voir pour cette raison, et non au nom d’une certaine intelligentsia.
    On peut néanmoins être surpris que le film nous offre une véritable conclusion, rendant hommage au Dernier Problême de Sherlock Holmes (bien entendu Holmes/Batman, Alfred/Watson, Gordon/Lestrade, Selina/Irene Adler…). Et rattachant l’histoire de Batman, au delà de la BD, à la tradition littéraire et policière en générale.

    Mais le fait que Nolan circonscrive cette Trilogie à sa seule filmo l’empêche d’être récupérée par d’autres pour continuer à explorer cet univers, même avec d’autres comédiens en soft reboot (disons, comme ceux de Schumacher post-Burton… mais en mieux).
    Très Bien, cinématographiquement assez fort… Mais on voit tout de même que ça aurait pu l’être bien plus condensé.
    Peut-être que si Heath Ledger avait encore été présent pour mener « le plan » à bout..?

    À suivre…
    _

    – Toujours « Game of Thrones »…
    Saison 5, celle des punitions. Surtout quand on est un personnage féminin.
    _

    – « Beetlejuice Beetlejuice »… Analyse complète sur la page consacrée, au Bar #268…
    Addendum : un film plus significatif qu’on ne le croit, en témoigne la reprise de la scène d’ouverture du premier.
    En 1989 Tim Burton s’inspirait peut-être de « Une femme disparaît » de Hitchcock, avec ces plans aériens qui débouchent sur un paysage figuré par une maquette très reconnaissable… mais pour présenter de toute façon un pays fictif.
    L’auteur détourna cela en faisant intervenir une araignée au milieu de sa propre ville/maquette, comme si on était soudain propulsé dans un film de monstres géants… Puis retournement supplémentaire, avec un homme tout doux qui prend délicatement cette araignée et la libère gentiment.
    Conclusion, « Beetlejuice » est un film d’horreur pour enfants.

    En 2024, Burton se détourne lui-même et cette fois ce qu’on voit c’est Lydia Deetz dans la maquette (on pense bien sûr à « Hérédité » de Ari Aster)… Interprétation évidente, elle s’y trouve symboliquement car elle n’a jamais pu se remettre de cette histoire.
    Et juste après, on voit Lydia dans une autre « boîte », un autre endroit artificiel : un studio télé, à faire des émissions de poltergeists un peu foireuses.
    Bien entendu c’est Burton qui parle de son propre statut, enfermé dans une prison (à peine) dorée, à ressasser les mêmes choses dont le public est friand, toujours avec le même look… et étant incapable de se révolter.
    Il y aussi un peu de ça pour l’actrice Winona Ryder (elle en a bavé, et son regard exorbité en témoigne), voir même pour Jenna Ortega (elle cite le cri de Munch, donc forcément « Scream »), sans compter l’utilisation de Monica Bellucci (comme avec Lisa Marie ou Helena Bonham Carter, son inclusion dans le film est plus proche du plaisir coupable, à peine transcendé).

    Conclusion, « Beetlejuice Beetlejuice » est un méta film pour enfants – et anciens enfants… ceux-là même qui ont rejeté Burton en même temps que la mode Gothique a cessé d’être un phénomène de contre-culture – vers la fin des années 90 (ça a été très court) en même temps que l’avènement du Numérique, que Burton, en bon animateur de formation, utilise sans honte.
    Y compris sur ce « Beetlejuice Beetlejuice » en partie bricolé de traviole (l’ironie étant que le budget a été baissé de 50 millions de dollars, pour mieux sortir sur grand écran).
    Les plus nostalgiques, ce sont ceux là même qui ne l’aiment plus car ils sentent peut-être l’auteur en train de râler derrière sa caméra…
    Mais il a toujours fait ça, même quand il était heureux.
    Éternel insatisfait.
    _

    Lu et relu :

    – Début des intégrales de Flash Gordon, aux dessins toujours époustouflants – ça ne se survole pas.

    – Un autre Flash… début des Flash Chronicles, juste la (fin de) période de Gérard Jones…

    – Superman : Lost… À une boucle temporelle prêt, c’est une très belle aventure moyennement canonique, qui offre à l’homme d’acier un voyage émotionnel très rude…

    – Un peu de Dawn of Superman (dessins semblant sortir d’une autre époque), Batman (trop de Multivers), Jay Garrick : Flash (très sympa), JSA (un peu de surplace ?), Wonder Woman (vraiment du surplace, mais drôle), Birds of prey (prévisible), et fin du crossover Beast World (très prévisible)…

  6. https://www.comicsblog.fr/48970-un_crossover_entre_la_Justice_League_et_Sonic_annoncee_par_DC_Comics

    Fuuusions !
    Ce sont maintenant Trunks et Goten qui fournissent toute la Pop Culture en idées – le problème, c’est que c’est toujours la Même idée.
    En plus, Keanu Reeves a prêté sa voix à un Batman, et à Shadow dans le prochain film de Sonic…
    _

    https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/Meme-James-Cameron-ne-peut-pas-echapper-a-lIA

    Traître !! 😆
    Blague à part tout ce qu’on attend de la part de l’IA, c’est qu’elle reste confinée à son rôle d’outil permettant de faciliter certaines choses, sans enlever l’effort pour autant.
    Et également qu’on commence à éduquer les (jeunes) gens pour qu’ils comprennent qu’un outil doit être à notre service à tous, et ne pas suppléer à notre réflexion et à nos actes.
    Vous aimeriez qu’un marteau vous ordonne de l’utiliser ? 😕

  7. Mélancolie polissée.

    Bon, toutes les déceptions autour de ce nouveau film de Francis Ford Coppola étaient ultra prévisibles, et c’est normal – surtout en étant alimentées par une communication très maladroite :
    Des années de développement dans une autre décennie… une reprise au moment du passage aux années 2020, mais avec une logique économique qui nous donne un résultat visuel aussi anarchique que archaïque, coincé entre les années 80 et 2000 – ces images numériques dorées, floues, sans poids ni substance, très représentatives du début du siècle.
    Artificialité assumée. Effet poétique loin d’atteindre la qualité d’un Fellini.
    L’auteur a beau avoir été un des initiateurs du cinéma numérique, il n’a jamais pû en faire un outil au service de la narration comme des Spielberg, Zemeckis ou Cameron. D’autant que sa grande heure de gloire (déjà Mégalo), c’était à l’époque analogique, un temps vers lequel on ne peut pas revenir – sa succession étant déjà reprise depuis des années par sa fille Sofia.

    Puis : un casting qui fait son marché chez les valeurs sûres – Adam Driver, qui aime tant participer à des « causes perdues » (Star Wars, Jeff Nichols, Terry Gilliam, Ridley Scott, Michael Mann), et continue son étrange voyage dans la culture italienne…
    Chez les bonnes pâtes un peu cools – Giancarlo Esposito en daron strict, Nathalie Emmanuel et son magnifique visage, Aubrey Plaza dans son emploi habituel de poil à gratter, Laurence Fishburne en bonne conscience (pas très motivé)…
    Et chez ceux qui ne sont plus cools du tout, qu’on s’attend à retrouver un jour dans un énième opus polanskien indigent – les « Transformeristes » Shia LaBeouf et Jon Voight, Dustin Hoffman, presque en caricatures d’eux-mêmes…
    Et puis il y a la famille, qui ne fait que passer sauf Bailey Ives, duplicata de tonton Nic Cage (quand ça n’est pas Driver lui-même qui l’imite).
    Déjà tout ça, c’est du lourd, voir même du portnawak. D’autant que le Francis a déjà eu le défaut de vouloir courir plusieurs lièvres à la fois dans ses histoires, et laisse ici ses acteurs improviser au détriment du script…
    Certes, aujourd’hui il n’est pas le seul à faire ça. Mais il existe quand-même des cinéastes (et des producteurs) qui ont appris comment faire pour structurer une mosaïque d’idées hétérogènes, et nous donner un Tout suffisamment cohérent. Même chez Marvel, que Coppola ne se prive pas de continuellement critiquer alors que…

    Ce « Megalopolis » Est (aussi) un film de super-héros :
    Un personnage principal moralisateur, avec un trauma intime, qui a un super-pouvoir – celui d’arrêter le Temps..? Il le perd quand il est en crise de foi puis le retrouve (comme dans les deuxièmes « Superman » et « Spider-Man ») – le Temps, une continuation de thématiques scénaristiques qui intéresse Coppola dans plusieurs de ses films, à travers l’hérédité, les traumatismes et regrets passés, l’immortalité (et l’inverse), les promesses de l’avenir et même les mondes hors du temps.
    Le cinéaste ne fait néanmoins pas grand chose de cette super capacité, qui aurait pu passer pour un état d’esprit ou un effet onirique si ça ne représentait pas aussi un lien entre deux amoureux (est-ce l’élément scientifique Megalon qui lui a donné cette capacité ? pourquoi Julia arrive à le percevoir et pas d’autres ?).
    Également du super-héros à la Iron Man (un inventeur addict et arrogant), avec une part de monstruosité physique à un moment donné, hélas vite expédiée…
    Mais qui remplace les coups de poing par des joutes verbales – et des visions architecturales, souvent très belles (les statues mouvantes, les ombres portées des victimes de catastrophe)… commençant le film là où « Le Rebelle » de King Vidor finissait, en haut d’une projection phallique, pour aller ensuite dans une direction moins auto-centrée.

    Autre référence claire, le rapport des justiciers avec la grande ville, dont on peut dessiner une trajectoire allant des anciens Empires jusqu’aux cités modernes, la métaphore de Rome n’étant d’ailleurs pas du tout originale – et celle de sa Chute n’étant même pas l’objectif de Coppola, puisque c’est la recherche d’une Utopie qu’il vise.
    Dans un film qui enchaîne les hommages au Cinéma, notamment muet, impossible de ne pas penser à la paronyme « Metropolis » de Fritz Lang, déjà une fable optimiste et enfantine, plaidant pour l’union entre les opposés. Et dont le nom inspirera évidemment la ville d’adoption de Superman, père de tous les super-héros.
    Qu’on soit à Manhattan ou dans d’autres dystopies monstrueuses à la Gotham ou « Dark City », tout y est question de verticalité écrasante ou bien aérienne – ça dépend du point de vue où on se place. Donc de lutte des classes, de la possibilité de s’élever, de labyrinthe de rues et bien sûr de la peur de leur destruction.

    Intéressante uchronie créée à partir d’une Rome antique dont la culture n’aurait pas disparu, jusqu’à citer directement la conjuration de Catilina…
    Et en même temps la façon dont Coppola y représente les jeunes de banlieue n’a pas bien changé depuis le Batman de 1989.
    Pareil, faire un pastiche de Britney Spears via une jeune prêtresse vierge, ça apparaît comme assez daté (le puritanisme américain a eu le temps d’en prendre un coup). Un peu moins pour Shia LaBeouf, en simili John Galliano pourri gâté.
    Dur aussi de ne pas penser à « Hunger Games », son Pain et ses Jeux, dont l’ambiance survivaliste et révolutionnaire avait plus de nerfs en comparaison.
    Bref on a donc une œuvre en trois parties, plutôt Film Noir dans la première (la musique de Osvaldo Golijov est elle aussi joliment Rétro), Romantique dans la deuxième et Synthèse (forcément ennuyeuse) dans la troisième où il n’y aura même pas à combattre le populisme et l’avidité… ils finissent presque par se détruire d’eux-mêmes.

    Épopée manichéenne bien peu expérimentale, plus théâtrale et sentimentale, où Coppola (maintenant veuf) se projette à la fois dans les deux antagonistes principaux, comme s’il voulait réconcilier aussi bien les générations que les époques…
    Le seul avantage de ce film peu structuré, protéiforme, aux acteurs peu dirigés, c’est qu’il est à contre-courant du cynisme ambiant. Ou bien d’une stylisation carrée à la Fincher ou Nolan, autres bâtisseurs d’architectures complexes, mais incapables de faire muter leur cinéma.
    Et en étant aussi brut, sans filtre (après tout, quand on s’appelle Francis) et sans la présence de producteurs contradicteurs, « Megalopolis » devrait faire tomber les illusions des spectateurs attachés à la notion d’Auteur tout puissant – et de Légende.
    Quand le plaisir de tourner et l’illustratif comptent plus que la précision et la puissance du Sens, c’est peut-être tout simplement de l’Art naïf.

    Modestopolis finalement ?

Répondre à ayorsaint Annuler la réponse

Please enter your comment!
Please enter your name here